FRÉCHON Émile

(Blangy-sur-Bresle, Seine-Maritime, 1848 – Alger 1921)

Exerçant d’abord comme journaliste, il ne débute la photographie qu’à l'âge de 37 ans. Donnant dans le naturalisme, ses clichés des marins de Somme et des paysans de Picardie vont lui valoir le surnom de « Millet de la photographie ».

C’est à l’invitation de Gervais-Courtellemont* qu’il se rend pour la première fois en Algérie, en 1887. Après des reportages sur la Kabylie, il séjourne à Biskra, et il décide de passer en 1890 ses hivers dans cette ville – il revient en France pour l’été. Des clichés témoignent aussi de séjours en Tunisie et en Palestine. En 1892, il publie comme tirée à part de L’Algérie Artistique et Pittoresque une brochure sur Biskra abondamment illustrée de ses propres clichés. Les textes sont l’occasion de démonter quelques légendes colportées sur les danseuses-prostituées locales, appelées « Ouled Nails » : « l’Ouled Nail, écrit-il, ne désigne plus une race, mais une profession ; on est Ouled Nail comme on est marchande de galettes ou de beignets… ». Ou encore : « le nombre [de celles] qui se marient en justes noces est infiniment restreint ».

La thématique romantique du désert et de l’oasis qu’il exploite recoupe l’inspiration de ses contemporains Rudolf Lehnert* ou Alexandre Bougault (1851-1911) – la signature de celui-ci masque parfois l’œuvre de Fréchon. Moins narratif que Lehnert, Fréchon dédaigne les scènes de harem comme les tirages panoramiques, trop décoratifs. C’est avant tout, « par le silence des formes qui plaît aux yeux », l'intemporalité des scènes de la vie quotidienne qu’il s’attache à transmettre. Ses tirages sur papier vergé, minutieusement virés aux sels d’or, représentent la quintessence d’un art que l’on peut rapprocher des meilleures réussites d’un Guillaumet* ou d’un Lazerges. Ce travail savant sur les négatifs témoigne d’une ambition artistique qui refuse l’enregistrement automatique par la technique afin de révéler, au-delà des apparences triviales, une vérité. L’éblouissement de la lumière méridionale conduit notamment Fréchon à travailler à contre-jour, avec un effet et une réussite qui contribuent à faire sa renommée.

En 1893, ses collotypies algériennes lui valent une médaille d’or de la Royal Photographic Society ; une autre médaille d’or à l’exposition universelle de Paris de 1900 récompense ses vues de Biskra. Dans les publications « pictorialistes » de l'époque, Fréchon devient un photographe de premier plan. Sa discrétion commerciale le distingue pourtant très nettement des photographes éditeurs : après sa mort, son fonds continuera d’être largement diffusé en  cartes postales peu soucieuses de respecter le travail du photographe - elles ne lui sont d’ailleurs que rarement créditées. Ce n’est que dans les années 1990 que plusieurs expositions en galerie parisienne signalent aux collectionneurs les clichés algériens de Fréchon. On attend toujours la grande rétrospective qui rendrait justice à l’œuvre du seul photographe pictorialiste français présent en Algérie.

Michel Mégnin

DE VEIGY Cédric, Émile Fréchon, Galerie « Au Grenier sur l’Eau », 1993. Photographes en Algérie au XIXe siècle, Musée-Galerie de la Seita, 1999. JACOBSON Ken, Odalisques & Arabesques, Orientalist Photography (1839-1925), Londres, Quarritch, 2007.



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