(Valence, 1896 - Saint-Donat, 1970)
Militaire devenu géographe, fin connaisseur de la montagne marocaine. Il a aussi considéré le Maroc sous un angle artistique.
Originaire de la Drôme, Delaye interrompt ses études au début de la Première Guerre mondiale et passe quatre ans au front comme combattant volontaire pour terminer avec le grade de lieutenant. Il est alors détaché au Service Géographique des Alpes-Maritimes. En 1922, envoyé en Tunisie, il participe aux travaux de la Carte au 50.000°. Fin 1924, il intègre le Service Géographique du Maroc, effectuant de nombreuses missions topographiques afin d’achever l’œuvre cartographique voulue par les autorités. Désormais capitaine, il parcourt le Sud du pays, souvent accompagné du lieutenant Spillman* et de Robert Montagne*. Dans les années 1930, ce sont le Rif, le Saghro et l’Atlas qu’il étudie. Devenu en 1932 chef de la Section de Topographie du Service Géographique du Maroc, il s’active à la généralisation de la reconnaissance aérienne en terrain marocain. Ses compétences dans ce domaine seront utilisées au début de la Seconde Guerre mondiale sur le front tunisien et sur les côtes italiennes. En 1940, il demande sa mise en congé mais reprend du service après le débarquement allié de 1942. En 1944, il contribue à la préparation des opérations alliées en Méditerranée, puis prend part à la campagne de France. Après le conflit, ayant occupé diverses fonctions administratives au Ministère de la Guerre, il termine sa carrière en 1953, au grade de lieutenant-colonel. Il revient alors vivre au Maroc jusqu’en 1960.
Théophile-Jean Delaye est l’un des principaux acteurs de la géographie marocaine de l’entre-deux guerres. Il a été l’un des membres les plus actifs de la Société de Géographie du Maroc : membre du Comité en 1931, il en devient l’un des vice-présidents en 1939. Il collabore régulièrement à la Revue de Géographie marocaine, avant d’en devenir le rédacteur en chef en 1942. Ses articles sont généralement consacrés à l’évolution de la cartographie marocaine dont il raconte volontiers l’histoire, associée à celle de la pénétration française. En technicien, il publie aussi sur la photogrammétrie. Un autre de ses sujets de prédilection est la montagne, qu’il a beaucoup parcourue par profession mais aussi par plaisir : il a contribué au lancement de l’alpinisme au Maroc. Synthèse de ses dons, voici « La représentation des massifs rocheux dans les cartes à grande échelle de la haute montagne » (Revue de Géographie Marocaine, 1937) pour traiter de la restitution et du figuré des reliefs ; voici la Carte du massif du Toubkal (1937), première étape du relevé à grande échelle de la haute montagne exécutée en collaboration avec Dresch*. Le choix avait été fait de ne pas se contenter d’une représentation purement géométrique, mais d’opter pour quelque chose de plus expressif par l’emploi d’un rendu déduit de la constitution géologique et de l’aspect particulier de chaque massif. Ce procédé a été ensuite beaucoup copié à l’étranger. À la fois justes et esthétiques, ces calques témoignent d’un vrai regard.
Car si Delaye a parcouru le Maroc en technicien, il l’a aussi vu en artiste, menant une véritable carrière de dessinateur et de peintre. C’est à lui que l’on doit la plupart des images illustrant la Revue de Géographie Marocaine. Il a procuré l’iconographie de nombreux ouvrages parus sur le Maroc dans les années trente à cinquante. Jean Célérier*, Jean Dresch*, Henri Terrasse* ont fait appel à ses talents de dessinateur, soucieux du détail jusque dans les arabesques de stuc (« Dessins et croquis des villes impériales du Maroc », Revue de Géographie Marocaine, 1942). Paysages, kasbahs, types humains : Delaye a tout voulu croquer sur le vif. Sa frénésie a produit en grand nombre des dessins nerveux, réalisés à la plume et à l’encre de Chine. Sa peinture aussi montre la réalité variée du Maroc.
Aurélia Dusserre.