(Namur, 1899 – Paris, 1984)
Poète majeur du XXe siècle, ses écrits se caractérisent par une invention généralisée et un verbe souvent sarcastique. Parmi ses premiers travaux, les journaux de voyage en Équateur (1927) et en Asie (1930-31) ont marqué la littérature.
Malgré le secret soigneusement entretenu sur sa biographie, son parcours peut être pour l’essentiel reconstitué (R. Bellour et Ysé Tran, « Chronologie (1899-1946) », in Michaux. Œuvres complètes, La Pléiade, Gallimard, 1998, t.1). Né Belge, dans une famille bourgeoise (en 1955, il prendra la nationalité française), il poursuit ses études au collège jésuite Saint-Michel de Bruxelles. Vers 15-16 ans, il est plongé dans une profonde expérience mystique chrétienne. À 20 ans, alors qu’il vient juste de s’inscrire en médecine, il décide de laisser tomber cette vie antérieure et s’embarque comme matelot pour deux ans. De retour en Belgique, il connaît un moment de vide pendant lequel la lecture de Lautréamont le conduit à l’écriture. En 1924, il est à Paris. Il écrit et s’ouvre à la peinture qu’il avait « détestée» jusqu’alors. En 1927, il séjourne de longs mois en Amérique centrale - en naîtra le texte d’Ecuador publié deux ans plus tard. Après le décès de ses parents, en 1929, il reprend la route, et pendant les années 1930 et 1931, il traverse l’Asie : Inde, Ceylan, Chine, Japon et Malaisie, et c’est son « journal de bord » qu’il publie sous le titre Un barbare en Asie (Gallimard 1933). Trente-cinq ans plus tard, il rédige une magistrale préface critique à ce livre de référence : « Et l’Asie continue son mouvement, sourd et secret en moi, large et violent parmi les peuples du monde. Elle se remanie, elle s’est remaniée, comme on ne l’aurait pas cru, comme je ne l’avais pas deviné. (…) Mea culpa. Non tellement d’avoir vu insuffisamment bien, mais plutôt de n’avoir pas senti ce qui était en gestation et qui allait défaire l’apparemment permanent » (1967). Remarquable lucidité à quoi seule le poète pouvait atteindre. Son expérience du voyage a eu de profonds effets sur l’ensemble de son œuvre, écrits et travaux graphiques. Fasciné depuis l’adolescence, par l’écriture et la calligraphie chinoise, il s’en inspirera comme dessinateur lorsqu’il publiera Idéogrammes en Chine (Fata Morgana, 1975). Tirons-en cette formule fulgurante : « Caractères variés à n’en pas finir./ La page qui les contient : un vide lacéré./ Lacéré de multiples vies indéfinies. » Henri Michaux ne reste pas en place, il voyage sans cesse et de toutes les manières : à côté de ses explorations dans l’univers hallucinatoire de la mescaline, rappelons ses descriptions, à la manière de l’ethnologie, des territoires imaginaires du Voyage en Grande Garabagne (Gallimard, 1948).
Elisabeth Allès