MARILHAT Prosper

(Vertaizon, 1811 – Paris, 1847)

Fils de banquier, il passe une jeunesse heureuse dans un château en Auvergne, puis dans la petite ville de Thiers, capitale de la coutellerie, avant de monter à Paris étudier la peinture avec Camille Roqueplan.

C’est en tant que dessinateur de l’expédition scientifique d’un aristocrate autrichien se piquant de botanique, le Baron Karl von Hügel, que Marilhat envisage en 1831 son voyage en Orient : Syrie, Liban, Palestine, puis, début 1832, Haute-Egypte. Passionné par l’architecture du Caire et d’Alexandrie dont il va réaliser de nombreux relevés, et alors que le baron poursuit son voyage vers l’Inde, il choisit de rester en Egypte. Il vit là de son art, réalisant des portraits - celui de Prisse d’Avennes* par exemple, ou du grand Mohammed Ali. Il retourne en France à bord du « Sphinx », accompagnant le transbordement de l’obélisque de Louksor affrété par le Baron Taylor*.

Exposés au Salon en 1834, ses premiers tableaux font sensation et l’imposent comme une des figures majeures d’un courant orientaliste en peinture. Fromentin s’en souviendra quelques années plus tard quand, dans un texte célèbre d’Une année dans le Sahel (p. 324 de l’ed. de la Pléiade), il le range parmi les fondateurs du mouvement : il célèbre en lui le paysagiste, à côté du « peintre de genre », Dauzats*, et du « peintre d’histoire », Delacroix*. Gautier*, de son côté, s’arrête sur La Place de l’Esbekhieh dont il parlera encore en 1869 quand, invité aux cérémonies d’inauguration du canal de Suez, il se trouvera malencontreusement immobilisé à l’hôtel Sheppeard du Caire (« nous nous attendions à trouver devant nous le tableau de Marilhat »), et contraint de continuer un voyage imaginaire à travers les tableaux du Salon.

Paysagiste : c’est en effet le plus souvent en plans lointains que Marilhat saisit la réalité. Mais il y a plus, et Fromentin, qui n’aimait pas en rester au « genre », sut déceler sous l’apparente impassibilité du trait descriptif quelque secrète fêlure : « Une impression de mélancolie nocturne, écrit-il, la terreur des chaudes solitudes, voilà ce qu’il aura laissé de plus honorable pour l’art moderne ». Il parle là des célèbres Ruines de la mosquée du khalife Hakem au Caire (1840, Louvre), qui s’imposent moins comme relevé d’une ancienne mosquée si souvent croquée par des peintres que parce que, monument désaffecté, elle était plus accessible à leurs travaux, que comme une évocation romantique de ruine. Nerval*, qui s’y connaissait aussi en fêlures, ne manqua pas de son côté de s’arrêter dans le monument de « Hakem l’hérétique », fondateur de la religion druze, à quoi il consacre un chapitre central de son Voyage en Orient. Ceux-là ont reconnu en Marilhat un frère : sa notoriété tient à un petit nombre d’œuvres, mais d’une étrange intensité. Rapidement diminué par les accès d’une maladie dite mentale, il se révèle incapable de repartir pour un séjour au Caire qu’il préparait. Il obtient cependant, grâce au soutien amical de Mérimée*, une pension annuelle, mais meurt peu après, à l’âge de 36 ans.

François Pouillon

AMELINCKX Frans, « Théophile Gautier et Marilhat, peintures, textes et contexte », Bulletin de la Société Théophile Gautier, 4, 1982, p. 1-10. CHAUVIN Jean-Marie, « 2011, bicentenaire de la naissance du célèbre artiste auvergnat, Prosper Marilhat », La Lettre de L’AM’A, n°22. MENU Danièle, « Prosper Marilhat à l'époque romantique », Médecine de France, 243, 1973, p. 25-40.



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