LACARRIÈRE Jacques

(Limoges, 1925 – Paris, 2005)

Ecrivain-voyageur

Compagnon de voyage d’Hérodote et de Pausanias, athée qui aime parler théologie, helléniste sans pédantisme, passionné autant du grec de Platon que celui de la Rébétika, Jacques Lacarrière incarne l’amitié franco-grecque dans la seconde moitié du XXe siècle. Son œuvre d’écrivain érudit et libertaire, inclassable, est particulièrement diversifiée : récits de voyage, romans, poèmes, traductions, essais, livres d’art et photographies. Pendant son enfance en Bourgogne, ses lectures sur l’astronomie, la nature et l’exploration des mers le passionnent tandis que la langue grecque, une langue aux caractères étranges, l’envoûte. Après des études secondaires à Orléans, il étudie le Droit, les Lettres classiques à la Sorbonne et l'Hindi à l'INALCO. Le courant surréaliste, et plus particulièrement Breton et Michaux, laissent une empreinte durable sur ses pratiques de voyage et d’écriture : émerveillement, imagination, flânerie, anticonformisme… Juridique et linguistique, sa formation initiale est aussi journalistique : il devient critique et reporter pour Combat, Le Monde, Le Matin, L’Express, Le Nouvel Observateur ainsi que pour Géo, Le Magazine littéraire et d’autres encore. Son existence s’articule très vite autour de deux passions : l'errance, qui vise à s'enraciner dans l'éphémère, et l'écriture qui le fixe.

En 1947, dans le Groupe du théâtre antique de la Sorbonne, dirigé par Jean Villard, ses premiers pas à Epidaure, où personne n’avait joué depuis l’antiquité, marquent le début d’une longue passion pour le théâtre grec. Sa fascination pour la rencontre avec les dépositaires de l’érémitisme et les pionniers du christianisme primitif sont à l’origine de plusieurs séjours au Mont Athos et de plusieurs essais (Les Hommes ivres de Dieu, 1961 ; Les Gnostiques, 1973). De 1950 à 1963, le voyageur aux yeux bleus passe chaque année plusieurs mois en Grèce avant d’y séjourner pendant trois ans sans interruption (1963-1966). Promenades dans la Grèce antique (1967) et En cheminant avec Hérodote (1981), rendent hommage aux témoignages grands voyageurs antiques, férus déjà d’histoire, d’archéologie, de géographie et de mythologie. Lors de ses brefs retours en France, il est critique à la revue Théâtre populaire et fréquente la Maison des Lettres à Paris où il côtoie Albert Camus*, Raymond Queneau et Roland Barthes. Ses voyages sont financés par des articles et des traductions d’auteurs grecs anciens (Hérodote, Sophocle et Eschyle) et modernes (Séféris, Vassilikos et Taktsis) qu’il a contribué à faire connaître en France.

En 1966, le coup d'État des colonels oblige ce philhellène à rentrer en France. Chemin faisant, mille kilomètres à pied à travers la France d’aujourd'hui, paru en 1974, est le récit philosophique et bucolique de son itinéraire à pied, tel un Compagnon de France, des Vosges aux Corbières. C’est toutefois L’Été grec (1976), la moisson de vingt années de voyages au contact d’une Grèce insolite, vivante et byzantine, qui le fait connaître comme écrivain. Désemparé par la métamorphose d’Eurydice après son retour en 1976, sa curiosité débordante, comme le suggèrent son essai Au cœur des mythologies (2004) et ses romans (Marie d’Egypte, 1983 ; La poussière du monde, 1997), le pousse ailleurs : l’Inde, l’Anatolie, l’Égypte et la Syrie. Marié en 1979 avec Sylvia Lipa, une comédienne d’origine égyptienne qui lui donnera un fils, il partage à la fin de sa vie son temps entre Paris, le petit village de Sacy (Yonne), et des visites à ses amis grecs, crétois et turcs. En synchronie avec le chant d’une cigale et toujours resté à l’écart de l’université, il obtient en 1991 le Grand Prix de l’Académie française pour l'ensemble de son œuvre. Il meurt à Paris, suite à une intervention orthopédique, lui qui a tant marché tout au long de sa vie. Proche de Jacques Meunier, de Nicolas Bouvier* mais aussi de Lawrence Durrell, il est à la fois membre de la famille des auteurs de la collection « Terre Humaine » et signataire du manifeste Pour une littérature voyageuse, à l’initiative de Michel Le Bris.

David Couvidat.

LACARRIÈRE Jacques, Entretiens avec Jean Lebrun, Flammarion, 2002. LACARRIÈRE, Jacques, Chemins d’écriture, Plon, 1988.



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