(Paris, 1869 – Madurai, Inde du Sud, 1910)
Peintre et photographe en Algérie, en Égypte et en Inde.
Issu d’une famille de marchands de tableaux originaires de Chablis, Gasté s’oriente vers des études artistiques. À 18 ans, il entre à l’École des beaux-arts de Paris, dans l’atelier d’Alexandre Cabanel. Des voyages au Maroc et en Algérie en 1892 vont le conduire vers la peinture orientaliste.
De 1894 à 1898, il s’installe à Bou Saâda, en Algérie, fixant sur la toile ou sur des plaques de verre des témoignages sur la population locale. Il entre alors en relation avec le peintre Étienne Dinet et l’important directeur du Musée du Luxembourg, Léonce Bénédite. Conventionnelle dans la forme (on pense à Gustave Guillaumet*), ses œuvres de jeunesse révèlent un indéniable talent de portraitiste et de coloriste. Après l’Algérie, le peintre, sujet à des crises de neurasthénie, s’établit au Caire pour quatre ans (1898-1903). C’est une période de production intense. Négligeant les expositions parisiennes, et il fréquente la haute société cairote à qui il vend ses toiles. En 1904, un périple en Espagne, au Maroc et en Tunisie précède un premier voyage en Inde du Nord. Gasté se fixe alors à Agra, la ville du Taj Mahal qui lui inspire ses premiers tableaux et des photographies d’une grande mélancolie. Exposées aux salons des Orientalistes à partir de 1906, ses toiles indiennes suscitent des articles élogieux. En 1908, après un voyage à Venise puis à Constantinople sur les traces de Pierre Loti, il retourne en Inde et s’installe cette fois à Madurai, dans le sud du pays. Dès lors, sa palette s’enrichit de tons chauds et de lueurs émaillées qui font songer à Gustave Moreau (Une Dewa-dassy, prêtresse et servante des dieux, musée d’Orsay). Considéré par l’artiste comme son œuvre la plus aboutie, Le Bain des brahmines (musée d’Orsay) est exposé au Salon des Orientalistes de 1910 où il remporte un franc succès. Une nouvelle crise de dépression terrasse le peintre, qui est retrouvé mort dans son atelier, en septembre 1910. Malgré deux rétrospectives organisées au Grand Palais, à Paris, lors des Expositions des Orientalistes de 1911 et de 1913, son œuvre tombe un peu dans l’oubli avant de connaître un regain en 2013.
Georges Gasté a échappé à son époque. Sa vie d’exilé et son tempérament sauvage l’ont éloigné du milieu pictural parisien et des révolutions artistiques de son temps. Contrairement au nombre des peintres orientalistes qui se cantonnèrent à l’Afrique du Nord ou au Proche-Orient, il est l’un des rares peintres à être allé jusqu’aux Indes et surtout à avoir vécu en milieu indigène, fuyant une société coloniale dans laquelle il ne se reconnaissait pas. De ses principes picturaux - soigner l’idée avant la forme, rechercher jusqu’à l’obsession l’émotion et la vérité - est né un style sobre, vibrant et sensible. C’est pourtant l’œuvre photographique qui se révèle la plus personnelle et d’une surprenante modernité. À la maîtrise parfaite de la composition et des effets de lumière - rien n’est sublimé, tout semble spontané, authentique, loin des photos orientalisantes et souvent « fabriquées » de l’époque – s’ajoute un intérêt ethnographique : grâce à la proximité du peintre avec les populations locales, ces photos racontent avec sincérité la vie quotidienne des personnages de Bou Saâda et d’Inde (les photos d’Égypte ont disparu), à la charnière entre deux siècles.
Aude de Tocqueville
DE TOCQUEVILLE Aude, Georges Gasté, Traquer le soleil dans l’ombre, 2013, Arthaud. Georges Gasté, Un Orient d’ombre et de lumière, musée du Montparnasse, Paris, catalogue d’exposition, 2013.