(Thiers, 1624 ou 25 – Paris, 1705)
Homme de théâtre, auteur de récits descriptifs et historiques sur l’Empire ottoman dans la seconde moitié du XVIIe siècle.
D’une origine mal connue, il est signalé en 1661 dans la mouvance de la troupe de l’Hôtel de Bourgogne. Est-il incidemment monté sur les planches ? Des fonctions annexes de décorateur ou de souffleur lui ont été prêtées avec plus de certitude. Son œuvre, qui dans les années 1670 s’étend d’une traduction de Machiavel (Histoire de Castruccio Castracani, souverain de Lucques, 1671) à un ouvrage sur la chose militaire (Art de l’homme d’épée, ou le dictionnaire du gentilhomme, 1678), est celle d’un fin lettré, fasciné par les Anciens et doté d’un sérieux goût pour l’épique. Parmi ces thématiques, l’Orient a une place de choix et il publie deux récits de voyage prétendument écrits par son frère, un aventurier nommé La Guilletière : esclave des Turcs après les avoir combattus, l’homme aurait choisi à sa libération de parcourir la Grèce pour en donner la description. Athènes ancienne et nouvelle (1675) et Lacédémone ancienne et nouvelle (1676) présentent l’état contemporain des lieux emblématiques du monde hellénique disparu, confrontant sans cesse l’antique et le moderne. Bien que composées sur le mode d’un pèlerinage, ces relations présentent une série d’aventures inscrites dans l’événement majeur de l’époque : la guerre de Candie. La Guilletière prétend avoir abordé en Crète puis, intégré à l’armée ottomane grâce à un ami turc, participé aux combats contre les Vénitiens. Le récit est-il bien authentique ? Chose rare à l’époque, ce doute fut exprimé publiquement, mais pas pour le côté héroïque de la narration. Dans son Voyage d’Italie, de Dalmatie, de Grèce et du Levant (1678), Jacob Spon conteste la description et la localisation de plusieurs antiquités par Guillet. S’ensuit une polémique : à la réaction de Guillet (1678) fait suite une réponse de Jacob Spon (1679) donnant la « liste des erreurs commises par M. Guillet ». La Guilletière ne serait qu’un pseudonyme de Guillet lequel n’aurait jamais mis le pied en Grèce et son œuvre n’est qu’une compilation de divers mémoires. La controverse enfle quand d’autres savants, comme Antoine Galland* et François Charpentier, s’en mêlent, puis s’éteint à l’initiative de plusieurs autorités. Mais la violente polémique a, semble-t-il, tué dans l’œuf le projet d’une Delphes ancienne et nouvelle. On a affirmé que Guillet avait tiré profit de cette polémique : il est, en 1682, le premier savant nommé historiographe à l’Académie de Peinture et de Sculpture. Mais seuls les beaux-arts l’occupent désormais et, après la publication d’une Histoire de Mahomet II (1681), l’Orient disparaît de son œuvre.
David Chataignier
MONVAL Georges et Jean, « Le Souffleur de l’Hôtel de Bourgogne, premier historiographe de l’Académie de Peinture (1624-1705) », Bulletin de la Société de l’Histoire du Théâtre, 1908-1909. LICHTENSTEIN Jacqueline et MICHEL Christian (dir.), « Les Conférences au temps de Guillet de Saint-Georges, 1682-1699 », Conférences de l’Académie royale de Peinture et de Sculpture, Tome II, 2008. PIGNOT Hélène, La Turquie chrétienne. Récits des voyageurs français et anglais dans l’Empire ottoman au XVIIe siècle, Xenia, 2008.