POUJOULAT Baptistin

(1809, la Fare les Oliviers – 1864, Aix-en-Provence)

Historien et journaliste propagandiste au Moyen-Orient.

Sa formation doit suivre celle de son frère aîné Jean-Joseph-François (1808-1880), qui étudie à Aix-en-Provence avant de « monter » à Paris faire carrière. C’est leur relation commune avec Joseph-François Michaud (1767-1839), chargé pendant l’Empire d’une synthèse sur les Croisades, qui les propulsent à six ans d’intervalle aux quatre coins des territoires ottomans. Tandis que son frère accompagne Michaud en Syrie en 1830 - la fameuse Correspondance d’Orient (1831) est la publication de l’échange de leurs lettres -Baptistin part en 1836 pour un Voyage à Constantinople, dans l’Asie mineure, en Mésopotamie, à Palmyre, en Syrie en Palestine et en Égypte (1840) afin de compléter le travail documentaire de ses prédécesseurs. Ses connaissances assez fines de l’histoire de l’Empire ottoman font de ses descriptions un témoignage valeureux, si l’on fait la part du mépris général qu’il a pour l’Islam et pour les Ottomans. Ses observations sur la guerre qui sévit alors en Syrie avec l’avancée des Égyptiens constituent un témoignage de choix sur une période et des évènements peu explorés. Témoin de l’appauvrissement de la population pressée notamment par les méthodes de l’armée des Égyptiens, il ne suit pas ses compatriotes dans l’admiration qu’ils prônent pour Mohamed Ali Pacha : il ne voit dans le « Bonaparte du Nil » qu’un despote « occupé à couvrir avec le masque de la civilisation sa face de tyran ».

Ottomaniste malgré lui, l’historien provençal parti récolter des éléments pour compléter l’histoire des Croisades, parvient à écrire l’Histoire politique d’un empire qu’il ne dépeint tout de même que pour en justifier l’obsolescence et annoncer sa chute. Ses travaux sur les Ottomans, et notamment sur l’Histoire de Constantinople comprenant le Bas-Empire et l'Empire ottoman (1853), semblent avoir être apparus assez sérieux pour être traduits en allemand… Lors d’un second voyage en Syrie en 1860, il se révèle d’avantage journaliste. Dépêché pour enquêter sur les massacres du Liban et de Damas, il donne une vision assez manichéenne des évènements, chaque fait sanglant étant imputé au machiavélisme ottoman voire britannique, avant d’être relayée par la population musulmane. Légitimiste tout comme son frère, on voit se dessiner au fil de la Vérité sur la Syrie et l’expédition française, une critique virulente de la politique extérieure de Napoléon III jugée trop prête aux compromis avec la Sublime Porte. Publié tout juste un an après les faits, ce recueil de lettres qu’il envoie en France fait apparaître un militant de la méthode qui consiste à « civiliser à coups d’épée, imposer des usages, des institutions », soit ce que son frère avait proclamé depuis l’Algérie (Études Africaines, 1844). Le projet visait à mobiliser le public français en faveur de l’établissement d’une Syrie catholique et française. Sa croisade politique plaide donc avant tout pour la protection des Chrétiens d’Orient dont les mœurs et le culte d’un christianisme « primitif » demeuraient purs de tous contacts avec le matérialisme européen.

Inscrite dans la veine romantique ouverte par Chateaubriand*, la démarche littéraire de Poujoulat, est marquée par une fuite dans le passé. Publié en 1840, son roman La Bédouine, qui met en scène un jeune homme parti en Syrie pour fuir l’esprit irréligieux de la civilisation européenne, est l’illustration de ses projections sur un Orient fantasmé vers lequel il pousse une recherche mélancolique – il sera néanmoins censuré par le saint-siège pour l’utilisation profane qu’il fait du Cantique des Cantiques.

Sylvain Cornac



haut de page