(Paris, 1811 – Sézanne, Marne, 1901)
Officier d’artillerie, arabisant.
Issu d’une famille de militaires, polytechnicien (1830), il part pour une carrière en Algérie en 1838 où il acquiert vite une bonne connaissance de la langue arabe. Capitaine (1840), il est nommé directeur des Affaires arabes de la province de Constantine (1844), où il se fait remarquer d’Ismaÿl Urbain dont il partage les idées « arabophiles ». En 1848, auprès d’Abd el-Kader, il est choisi pour prendre la succession de Daumas* pendant la détention de l’émir à Pau, puis à Amboise. En charge du commandement du château, il impose une gestion respectueuse de la vie de la communauté des Algériens qui s’élève à près de 100 personnes. Responsable des communications de l’émir avec l’extérieur, il traduit « pour information » sa correspondance, ainsi que de nombreux textes – c’est lui qui réalisera la lettre sur les chevaux que l’Émir envoie à Daumas pour être intégré aux multiples éditions de l’ouvrage sur les Chevaux du Sahara (à partir de 1853). D’Amboise, Boissonnet expédie chaque semaine à sa hiérarchie des rapports très circonstanciés qu’il double d’une correspondance régulière avec Urbain qui, depuis la direction des affaires arabes au ministère de la guerre, œuvre pour une réorientation de la politique algérienne de l’Empire. Personnage discret mais déterminé, il va contribuer à convaincre sa hiérarchie de la nécessité de libérer « l’illustre prisonnier » - ce que l’Empereur décidera en octobre 1852. Les relations entre l’Émir et son « geôlier », faites d’urbanité et d’humanisme, mais aussi de sens politique consommé, resteront d’une grande cordialité, au-delà même du séjour à Amboise, ce dont témoignent les riches documents et souvenirs personnels publiés par sa nièce, Marie d’Aire (Abd el-Kader. Quelques documents nouveaux…, Amiens, 1900 ; Abd el-Kader…, 1905).
Il regagne l’Algérie après son mariage et s’installe à El Biar. Vice-président du premier conseil général d’Alger en 1853, il poursuit néanmoins sa carrière d’officier : colonel, puis général. Il participe en 1856, avec Berbrugger*, à la fondation de la Société historique algérienne, où il attire l’attention sur le tifinagh, écriture berbère en usage chez les Touaregs. Rappelé en France, en 1870, il est affecté comme artilleur à la défense de Paris - il est grièvement blessé à Champigny. Passé au cadre de réserve en 1876, il continue de séjourner plusieurs mois par an dans sa maison d’El Biar, où l’on reçoit du beau monde : Lyautey* se souviendra d’un concert qui y avait été offert par sa fille Alice, cantatrice d’une grande beauté, pour qui Fauré et Gounod ont composé des pièces musicales. Lorsque celle-ci se résoudra à épouser à Paris un sieur Lassus Sait-Génie, secrétaire de la compagnie des chemins de fers de l’Ouest algérien, la presse signale la présence colorée de dignitaires algériens invités à la cérémonie.
Michel Levallois et François Pouillon
Notice DBF. LEVALLOIS Michel, Ismaÿl urbain. Royaume arabe ou Algérie franco-musulmane ? (1848-1870), Riveneuve, 2012.