DAUDET Alphonse

Cette notice remplace celle qui a figuré dans une précédente édition.

(Nîmes, 1840 – Paris, 1897)

Romancier et dramaturge.

Méridional comme Zola, mais « réaliste » comme Maupassant, Daudet se veut avant tout descripteur des « mœurs modernes », et, essentiellement, des « mœurs parisiennes ». Il a cependant monnayé, sous forme de nouvelles réunies dans ses Contes du Lundi (1873) ou dans ses Lettres de mon moulin (deuxième édition, Lemerre, 1878), un voyage qu’il a fait en Algérie pour des raisons de santé – une malencontreuse maladie vénérienne rendant sa vie conjugale problématique -, en 1861-1862. Il y a peint, sans grande sympathie, la « pouillerie musulmane », voire les « vilains petits juifs », mais souvent avec une certaine sobriété, les mœurs, le cosmopolitisme et les paysages de ce pays. On trouve ainsi dans « Le caravansérail », « Un décoré du quinze août » et « Le kousskouss » (Contes du lundi, 1873), plus des notes de voyage ou tableautins de mœurs que de véritables récits ou nouvelles. Dans Les Lettres de mon moulin (1869), « A Milianah » est le croquis d’une petite ville algérienne avec son juge de paix et son ennui, et « Les sauterelles » est le bref récit d’une invasion de ces insectes dévastateurs. De même, autour de son Jansoulet du Nabab (1877), un financier qui a fait fortune à Tunis, il a peint sans plus de sympathie une société cosmopolite où passent plusieurs figures du Moyen-Orient – Auriant* a prétendu en trouver le modèle. Mais c’est surtout avec Tartarin de Tarascon qu’il a créé un type que hante en permanence le démon du voyage vers des pays lointains, et dont la galéjade méridionale peut passer pour un avatar des mirages et des rêveries exotiques. Dans sa trilogie consacrée à Tartarin (Tartarin de Tarascon, Tartarin sur les Alpes, Port-Tarascon) nous le voyons mettre en scène, de façon très ironique, des voyages réels, en Algérie, en Suisse, puis en Extrême-Orient, ainsi que les rêveries de son héros, mélange de Don Quichotte et de Sancho Pança : le premier chapitre du premier ouvrage de la trilogie nous peint le jardin botanique de Tartarin plein de « plantes exotiques » en pot, y compris un baobab, ainsi qu’une bibliothèque pleine de livres de voyages, d’aventures et de chasses aux fauves, et que son cabinet rempli d’armes de tous les pays du monde – à cette époque la légende de Jules Gérard, le tueur de lions, fait la fortune des éd. Hachette (1855), et l’on pense aussi à Bombonnel, « le tueur de panthères », et avant que les Chasses en Algérie (1884) du général Margueritte, ne connaissent un succès qui ne s’est pas démenti. La déception devant Alger, qui apparaît si peu exotique, avec ses arcades du boulevard de l’impératrice qui ressemble tant à celles de la rue de Rivoli va être partagée dès ces années soixante avec l’ensemble des voyageurs de ce temps, notamment Ernest Feydeau*.Mais ce n’est pas tout : parti en Algérie chasser les lions, Tartarin ne parvient qu’à abattre l’âne de colons alsaciens et, finalement, un lion apprivoisé. La mystérieuse sultane enfermée dans un harem se révèle être une prostituée marseillaise sous la coupe d’un « prince monténégrin » plus suspect encore. Troisième volume de la trilogie, Port-Tarascon (1890), raconte comment Tartarin, trompé à nouveau par un soi-disant duc se trouve acheteur d’une île du Pacifique. Tartarin y ayant monté le projet d’y installer une colonie de peuplement, celle-ci se révèle insalubre, peuplée d’indigènes alcooliques ou inhospitaliers. L’expédition tourne à la catastrophe, et l’Angleterre, propriétaire de l’île, en expulse les colons. Tartarin revient à Tarascon ruiné et discrédité. Décidément, avec la trilogie de Tartarin, l’orientalisme n’est plus qu’un ensemble de clichés à parodier.

Philippe Hamon et François Pouillon

CAILLAT Jules, Le voyage d’Alphonse Daudet en Algérie, Alger, Carbonnel, 1924.



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