FONTON Charles 

Cette notice remplace celle qui a figuré dans une précédente édition.

(Constantinople, 1725 – Smyrne, 1793)

Drogman connu pour un essai sur la musique orientale « comparée à la Musique européenne » (BnF, Naf. 4023), rédigé en 1751 à Constantinople.

Issu d’une famille qui s’est mise au service de la France en Orient, il y exerce comme interprète. Après des études de « Jeune de langue » au collège Louis-le-Grand à Paris (1737-1746), il part compléter sa formation chez les Capucins de Saint Louis de Pera à Constantinople. Il est drogman à Alep en 1750, second drogman au Caire en 1759, premier drogman à Izmir de 1774 et 1778. Il est également secrétaire-interprète du Roi. Il est l'auteur d'une Thèse de physique et de mathématiques, et d'un grand nombre de traductions dont une Histoire de la Révolution à Constantinople sous Mustapha II en 1746-1747. Son Essai sur la Musique orientale comparée à la Musique orientale est suivi des Aventures de Zelide et de Ferames, adaptation libre du Shahname relatant l’histoire de Faramarz, fils du héros épique Rustam.

L’Essai de Fonton est une source de première importance pour la connaissance de la musique ottomane au XVIIIe siècle, non seulement pour la description précise de l’instrumentarium et du système musical, mais aussi pour les transcriptions de quelques pièces du répertoire. Simple compte-rendu adressé « à Monsieur de Rouillé, Ministre de la Marine », c’est sans conteste une monographie fondatrice de la démarche ethnomusicologique moderne. Allant au rebours de l’ethnocentrisme musical, il y affirme la relativité du goût : « chaque nation a sa musique, mais le goût en est aussi particulier dans chacune qu’il est général dans toutes ». Il explique très clairement la différence entre une culture monodique, et l’Occident polyphonique. Concédant qu’en cela l’Orient est privé de cette harmonie qui fait la clarté de la musique, cela lui permet de mieux souligner comment, en revanche, « la musique orientale a des voix que nous n’avons pas », c’est-à-dire des subdivisions plus subtiles de l’octave. Il donne ensuite une liste des modes rythmiques, fondement des compositions ottomanes, déployant ainsi toute la complexité du système de composition oriental et détaillant l’exécution d’un taksim, « caprice », autrement dit improvisation non-mesurée. Tout le long de ce texte, le lecteur sent qu’il a pénétré profondément l’univers musical d’Istanbul. Edité par Eckhardt Neubauer (Zeitschrift für Geschichte der Arabisch-Islamischen Wissenschaften, 1985, Frankfurt), l’Essai contient également de beaux dessins exécutés par son collègue et ami Jean-Baptiste Adanson.

Jérôme Cler

TOUZARD Anne-Marie, « Un drogman musicien : coup d'œil sur la vie et les œuvres de Charles Fonton », in Istanbul et les langues orientales, L'Harmattan, 1997, p. 197-214. TESTA Marie de & GAUTIER Antoine, « Deux grandes dynasties de drogmans, les Fonton et les Testa », in Drogmans et diplomates européens auprès de la Porte ottomane, ISIS, Istanbul, 2003, p. 129-143.



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