LAPLAGNE Guillaume

(Né à Evry, dates de naissance et de décès inconnues)

Sculpteur, premier directeur de l’école des Beaux-arts du Caire.

On sait très peu de choses de Laplagne sinon qu’il est l’élève de Barrias aux Beaux-Arts de Paris, puis sociétaire des Artistes français à partir de 1894, qu’il figure au Salon de ce groupement et y obtient une mention honorable en 1898. Il participe à la création de l’École des Beaux-Arts du Caire qu’il dirige de sa création en 1908 jusqu’en 1918.

Lancé par les Saint-Simoniens* au début du XIXe siècle, le projet d’une école des beaux-arts est réveillé en 1907 par le prince Youssouf Kamal qui charge Laplagne venu au Caire pour exécuter une statue du mécène, d’étudier les modalités de réalisation d’une telle institution. S’ensuit un débat sur les aptitudes des Égyptiens au travail artistique. Contre l’idée répandue d’un peuple dépourvu d’art à cause d’une incapacité génétique à toute représentation, Laplagne explique que l’interdiction (présumée) de la représentation humaine par l’islam aurait empêché l’art en général de s’épanouir, rendant donc impossible l’apprentissage des techniques (« Des aptitudes artistiques des Égyptiens d’après les résultats obtenus à l’École des Beaux-Arts », L’Égypte contemporaine, 1, 1910). Il compare la création l’École des Beaux-Arts du Caire à celle de Paris, assimilant le khédive à Louis XIV. Il justifie ainsi l’enseignement de l’art français en Égypte, comme en France où était enseigné l’art italien, arguant qu’une tradition étrangère et nouvelle peut créer une tradition nationale. Laplagne anticipe la critique à venir de l’institution d’un enseignement qui, outre son strict académisme, exclut les traditions non occidentales – notamment arabe. On reprochera à Laplagne et aux professeurs des Beaux-Arts, aujourd’hui tombés dans l’oubli, d’avoir donné à l’art égyptien naissant une empreinte réaliste (bien que vaguement impressionniste) teintée d’orientalisme.

Laplagne compte pourtant parmi ses élèves égyptiens Mahmoud Moukhtar (1891-1934), reconnu comme le premier artiste égyptien à avoir su sortir de l’académisme et de l’orientalisme pour créer un art national puisant dans l’héritage artistique du pays. Moukhtar sort diplômé de l’École en 1911 et poursuit ses études aux Beaux-Arts de Paris dans l’atelier de Bourdelle. Il reçoit la médaille d’or à l’exposition du Grand Palais pour la maquette de son chef d’œuvre Nahdat Misr (Le réveil de l’Égypte, 1919-1920, in situ 1928). Il traduit en trois dimensions les idées du nationalisme égyptien participant ainsi au débat sur la culture arabe moderne. Si Moukhtar indigénise les thèmes de l’art occidental, il reste proche d’une facture occidentale mais ses figures semblent déshumanisées comme pour mieux contourner l’interdiction des images par laquelle son maître justifiait l’incapacité des Égyptiens à créer.

Jean-Gabriel Leturcq

BÉNÉZIT E., Dictionnaire critique et documentaire des peintres sculpteurs et graveurs, 1999. NAEF S., À la recherche d’une modernité arabe, Genève, 1996.



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