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(Niort, 1901 – Cambo, Pyrénées Atlantiques, 1950)
Arabisant, historien de la Syrie, de l’architecture, de la ville arabe.
Après des études classiques, il suit les cours de la Sorbonne et de l’École des Langues Orientales*, où il y apprend l’arabe, le turc et le persan. Il est pensionnaire (1924) puis secrétaire général (1929-1937) de l’Institut français de Damas. De retour à Paris, il entame une carrière universitaire à une période marquée par une forte institutionnalisation des études sur l’Islam et par la position de la France au Moyen-Orient. Enseignant à l’École des langues orientales, à l’École du Louvre, rédacteur du Journal Asiatique*, il est élu directeur d’études à l’EPHE, puis professeur au Collège de France* (1946). Sa leçon inaugurale « Comment étudier l’histoire du monde arabe » (Revue Africaine, 1946) décrit la Syrie à la charnière de plusieurs époques et de plusieurs mondes et livre une méthode d’analyse des intersections culturelles. Il y montre aussi sa préoccupation de réorganiser les études orientales en France. Pour lui, les structures sociales et politiques doivent permettre de comprendre la fonction des monuments ou des objets, dont les qualités plastiques éclairent en retour le contexte du moment, ce qui constitue un tournant dans l’islamologie française.
Ses études historiques de villes syriennes ont largement contribué à renouveler la conception de la ville arabe. Dès les années trente, il publie des monographies sur les monuments de Damas (1932) et d’Alep (1931), livrant une analyse du bâti appuyée par une connaissance approfondie des sources historiques. « Le plan antique de Damas » (Syria, 1949) est une importante étude sur la topographie de Damas où il fait émerger des permanences tangibles depuis l’époque hellénistique. Avec son ouvrage sur Alep (…) des origines au milieu du XIXe siècle (1941), s’ajoute une restitution documentée des activités commerçantes et artisanales constituant une des facettes essentielles de l’urbanité dans le monde arabe médiéval. Replaçant ainsi la Syrie dans les flux régionaux, il convoque toute une histoire du Proche-Orient médiéval. Son étude sur l’architecture ayyoubide de Damas (4 vol., 1938-1949, en coll. avec l’architecte Ecochard*) reste indépassée. Il complète cette démarche par une enquête épigraphique originale qui s’appuie en retour sur les contextes architecturaux (Répertoire chronologique d’épigraphie arabe, à partir de 1931).
Théorisées dans des Règles pour les éditions critiques et traduction de textes arabes (avec Blachère*, 1945), ses publications dans ce domaine sont exemplaires : Relation de la Chine à l’Inde (1948), Perles choisies d’Ibn ach-Chihna (1933), Chronique de Damas d’Al-Jazari (1949), Trésor de Sibt al-`Ajami (1950) dans la série des « Matériaux pour servir à l’histoire d’Alep » (1950). Il publie pour ses étudiants un recueil de textes d’historiens arabes traduits Syria, (1946) et une bibliographie critique : Introduction à l’étude de l’Orient musulman (1943), rééd. remaniée par Claude Cahen*, (1961). Rompant avec les méthodes de l’orientalisme classique, il impose une approche de l’Islam comme fait historique dont l’étude doit combiner la philologie, l’épigraphie, l’archéologie et la géographie humaine. La poste aux chevaux dans l’Empire des Mamelouk (1941) dans lequel il confronte les documents d’archives aux vestiges archéologiques des caravansérails, illustre parfaitement sa méthode. Mort prématurément des suites d’une intervention chirurgicale pulmonaire, Sauvaget laisse une œuvre inachevée, en particulier une traduction des Merveilles de l’Inde et une histoire des châteaux omeyyades de Syrie. Ses interventions ont exercé une influence profonde sur l’orientalisme de son époque et sur la génération suivante d’archéologues, d’historiens et historiens de l’art islamique en France ou aux États-Unis.
Françoise Micheau et Jean-Gabriel Leturcq
ROBERT Louis, Mémorial Jean Sauvaget, t. 1, Damas, 1954. SOURDEL-THOMINE Janine, Mémorial Jean Sauvaget, t. 2 : Index analytique des travaux de Jean Sauvaget, Damas, 1961. BLACHÈRE Regis, in Journal Asiatique, 239, 1951, p. 1-4. GAUDEFROY-DEMOMBYNES Maurice, in Syria, t. XXVII, 1950, p. 383-385.