MAUCLAIR Camille Laurent Célestin FAUST, dit Camille -

(Paris, 1872 – Paris, 1945)

Polygraphe.

Issu d’une famille catholique lorraine, le jeune Camille développe très tôt son goût pour la musique - il proposera plus tard de remplacer le christianisme par de la musique symphonique - et la peinture. Il se lie au lycée Henri IV avec de futurs acteurs de la scène intellectuelle et littéraire : Albert Thibaudet, Léon Daudet, Marcel Schwob, Romain Rolland, Paul Claudel*. Il a probablement fréquenté l’atelier Gustave Moreau*. Il lit Baudelaire*, Verlaine, Mallarmé*, Heredia, Lecomte de Lisle*, Hegel et Schopenhauer. Avec Paul Fort, il fonde le Théâtre d'art qui montera le premier l'œuvre de Maurice Maeterlinck en France puis avec Aurélien Lugné-Poë, le théâtre de L’œuvre en 1893. Poète symboliste très mineur, il est un témoin essentiel de l’histoire du mouvement artistique « fin de siècle », qu’il décrit dans Grandeur et servitude littéraires (1922). Il fut un moment proche de l’anarchisme et dreyfusard par fidélité à Clémenceau et à la vérité, ce qui ne l’empêchera plus tard de sombrer dans la collaboration et l’antisémitisme, à quoi le prédisposait sans doute une obsession de la « race » qu’il affirme dès les années 1890. Sa mort en 1945 lui épargne une fin ignominieuse.

Auteur de centaines d’articles dispersés dans d’innombrables revues, de dizaines d’ouvrages, Mauclair qui écrit sur la peinture, la musique, est d’abord poète et romancier. L’Orient apparaît dans ses récits de voyage et dans quelques-unes de ses très nombreuses monographies où il tente de cerner l’ « âme » d’une ville noble et glorieuse : Fès, ville sainte, (1930) ; Les Couleurs du Maroc (1933) ; Le Pur visage de la Grèce (1934) ; Les Douces Beautés de la Tunisie (1936), etc.).  Mais on le découvre aussi engagé dans la querelle du génocide arménien, à travers sa participation à deux collectifs : en 1918, dans Les Alliés et l'Arménie, volume édité par les Publications de l’Union intellectuelle arménienne de Paris, il publie « Héroïque Arménie », et il figure dans recueil Réponses à Pierre Loti*, ami des massacreurs (Turabian, 1919). Citons encore le très curieux roman L’Orient vierge. Roman épique de l’an 2000 (1897), « roman mythique » (Trousson) plus qu’anticipation utopique. Qu’on en juge : un dictateur de la « Fédération anarchiste européenne » lance une guerre contre l’Orient, incarnation de deux périls : d’une part, l’association de la masse chinoise et de chefs japonais – les Japonais sont des élèves de l’Occident qui ne demandent qu’à retourner ses armes contre lui (c’est le fameux « péril jaune ») ; d’autre part l’Inde, incarnation des périls du fatalisme et de la sensualité, incompatibles avec l’individualisme et le progressisme européens. La technique et la rationalité occidentales écrasent les Orientaux ; mais la deuxième partie du roman est « la fresque d’une vie d’action soudain paralysée par l’abstrait » (Mauclair, dans sa préface) et reflète le dégoût qu’inspire au héros une « société d’ingénieurs ». Il découvre alors, grâce à une prêtresse avec qui il aspire à former une sorte de couple providentiel (qui peut évoquer les rêveries orientales et syncrétiques des Saint-Simoniens de la première moitié du XIXe), « l’Orient vierge », ce « berceau » des Aryens (voir Gobineau*), merveilleux recours contre le « modernisme », et la nécessité de réunifier les « races aryennes » au lieu de les opposer dans une « guerre ethnologique ». On est un peu surpris que Mauclair évoque dans sa préface le patronage du Flaubert* de Salammbô.

Guy Barthèlemy

VALENTI Simonetta, Camille Mauclair homme de lettres fin-de-siècle, Milano, Vita e pensiero, 2003. L’Orient vierge. Roman épique de l’an 2000 [1897], présentation de Raymond Trousson, collection « Ressources », Slatkine, Paris-Genève, 1980. MAUCLAIR Camille, éd. de L'Orient vierge.



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