Institut Français d’Archéologie Orientale (IFAO)

Première mission archéologique étrangère créée en Égypte, l’IFAO est fondé par un décret de Jules Ferry signé le 28 décembre 1880 et rattaché au ministère de l’Instruction Publique. À l’origine, c’est le consul général de France qui, inquiet de la perte possible de la direction du Service des Antiquités avec la maladie affaiblissant son directeur, Auguste Mariette*, cherche à maintenir l’influence scientifique de son pays en Égypte. Le projet est transmis à Xavier Charmes qui convainc Ferry et soutient pendant des années la jeune institution. Nommée dans le décret « Mission permanente sous le nom d’École française du Caire », elle ne prit son nom définitif d’IFAO que par autre décret du 18 mai 1898. En 1880, Charmes fait appel à Gaston Maspero* pour en assurer la direction ainsi qu’à Jules Bourgoin* comme sous-directeur des études orientales, poste qui fut rapidement abandonné. Dans la hâte, trois pensionnaires furent recrutés : Urbain Bouriant et Victor Loret pour la section égyptologie, et Hippolyte Dulac, pour les études orientales. Maspero arriva à temps pour recueillir le dernier souffle de Mariette et son héritage en reprenant la direction du Service des Antiquités de l’Égypte.

Ernest Renan*, autre parrain de l’IFAO et auteur d’un Rapport sur l’organisation de l’Institut du Caire, avait souhaité faire du nouvel établissement non seulement un centre d’égyptologie mais aussi un pôle regroupant l’ensemble des études orientales et d’exploration de l’Orient, incluant donc les études de la Syrie, de l’Arabie, de l’Abyssinie et du nord-est de l’Afrique, ce qu’il fut au moins jusqu’à la création en 1946 de l’Institut français d’archéologie à Beyrouth. La partie égyptologie y a sans doute toujours été dominante, comme en témoigne le choix des directeurs, systématiquement égyptologues depuis sa création. Lorsque Paul Casanova brigua la direction en 1898, il fut écarté au motif qu’il n’était pas égyptologue et dut se contenter d’un titre de directeur-adjoint que l’on ressuscita pour l’occasion et de manière éphémère. Chaque année, de un à trois membres scientifiques sont nommés, dans la section des études égyptologiques et papyrologiques ou celle des études coptes, arabes et islamiques pour une année renouvelable jusqu’à trois fois. Ces années permettent à de jeunes savants, jusqu’au milieu du XXème siècle au moins, de faire une première découverte de l’Égypte sur le terrain et surtout de parfaire leurs connaissances en travaillant sur des programmes de recherches précis. La plupart des égyptologues français y trouvent un tremplin pour une carrière universitaire ou au sein du CNRS. Tant que le Service des Antiquités de l’Égypte était dirigé par des Français, l’IFAO pouvait aussi constituer un réservoir de savants pour occuper quelques postes dans cette administration égyptienne et témoigner de la place de la France dans l’égyptologie. Un certain nombre de grands arabisants y sont passés également, à l’image de Louis Massignon*, Gaston Wiet*, Henri Laoust*, etc. La première femme pensionnaire fut Christiane Desroches* en 1938. L’Institut accueille des membres étrangers et, depuis 1944-45, des attachés égyptiens (comme le père Anawati* et Taha Hussein*). Enfin, l’Institut reçoit aussi, depuis son origine, quantité d’attachés, de missionnaires ou boursiers venus sur une durée plus courte.

Sur plus d’un siècle d’histoire, les travaux menés par l’IFAO sont considérables. Les premières années sont consacrées aux relevés épigraphiques et architecturaux nécessaires pour disposer de sources sûres. C’est seulement à partir de l’hiver 1898-99 que l’IFAO entreprend les premières fouilles archéologiques. Des dizaines de sites sont l’objet de recherches parfois de grande ampleur, parmi lesquels Edfou, Médamoud, Baouit ou Deir el-Médineh. Les arabisants essaient de sauvegarder un patrimoine considéré alors comme menacé, en publiant les textes manuscrits. La topographie du Caire est étudiée, et Casanova* publie une partie de l’œuvre d’al-Maqrîzî. Max van Berchem* lance en 1894 la grande publication du Corpus inscriptionum arabicarum. Depuis plusieurs décennies, avec l’augmentation du nombre de personnels et de savants, l’IFAO a multiplié les programmes de recherches dans de nombreux domaines. L’Institut organise aussi régulièrement nombre de rencontres scientifiques ainsi que de conférences ouvertes à tout public.

L’établissement occupe définitivement le vaste et spacieux palais Mounira en 1907. Dès l’origine, une bibliothèque (le fonds original est celui de Mariette) y fut créée, si bien qu’elle compte aujourd’hui plus de 80 000 volumes concernant l’histoire de l’Égypte depuis les origines. L’imprimerie n’y est adjointe qu’en 1898, avec l’arrivée d’Émile Chassinat, un ancien ouvrier de l’Imprimerie nationale. Elle devient rapidement un outil très important au service de la diffusion des études orientalistes. Elle a assuré la publication de centaines de volumes et sa fonte hiéroglyphique est l’une des plus réputées du monde. Les titres de ses collections témoignent de l’étendue des champs de travail à l’Institut : Mémoires publiés par les membres de la mission archéologique française au Caire, Recherches d’archéologie, de philologie et d’histoire, Fouilles de l’Institut Français d’Archéologie Orientale, Bibliothèque d’études coptes, Textes arabes et études islamiques, Textes et traductions d’auteurs orientaux, Voyageurs occidentaux en Égypte, etc. L’IFAO publie également plusieurs revues scientifiques attendues, dont le Bulletin de l’Institut Français d’Archéologie Orientale, depuis 1901 ou les Annales islamologiques, depuis 1954.

À l’origine, l’Institut dépend seulement du ministère de l’Instruction Publique. George Foucart, dans les années 20, obtient des financements du ministère des Affaires Étrangères qui s’intéresse de plus en plus à cet Institut à un moment où les Égyptiens expriment la volonté de diriger par eux-mêmes leurs administrations. L’histoire de l’IFAO a aussi été tributaire de l’état des relations entre la France et l’Égypte. Ainsi, en 1951, Taha Hussein interdit aux archéologues français de poursuivre leurs travaux en Égypte et l’IFAO fut contraint d’arrêter ses fouilles pendant plusieurs années. La crise de Suez entraîna la mise sous séquestre de l’établissement. Il faillit être vendu et il fallut une dizaine d’années pour que le travail puisse reprendre plus ou moins normalement.

Ainsi, l’établissement actuel qui fait partie du réseau des grandes écoles françaises à l’étranger, est l’héritier d’une longue histoire ayant fait de l’IFAO le premier centre scientifique français d’Égypte possédant une renommée considérable dans le monde de l’orientalisme.

Éric Gady

VERCOUTTER Jean, Centenaire de l’École du Caire (ifao). 1880-1980, IFAO, Le Caire, Paris, 1981. DESROCHES-NOBLECOURT Christiane, VERCOUTTER Jean (dir.), Un siècle de fouilles françaises en Égypte (1880-1980), IFAO, Le Caire, 1980.



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