BAHGAT Ali Bey

Cette notice remplace celle qui a figuré dans une précédente édition.

(Baha al-Ajut, Moyenne-Égypte, 1858 – Matarieh, Nord du Caire, 1924)

Épigraphiste, archéologue, premier directeur égyptien du Musée national de l’art arabe du Caire.

Issu d’une famille de notables ruraux d’origine turque, Bahgat apprend l’arabe, le français, l’anglais, l’allemand et le turc à l’École polytechnique et à l’École de Langues du Caire. Entré au ministère de l’Instruction publique, comme professeur de français, il devient inspecteur des écoles primaires des waqfs puis traducteur en chef (1881-1900).

Dans les mêmes années, Artin pacha* l’introduit auprès de la Mission archéologique française comme traducteur, pour assister les membres de l’Institut dans la traduction des inscriptions et des textes arabes espérant ainsi pallier l’absence de formation européenne du jeune homme. Bahgat y rencontre Maspero*, Casanova* ou Van Berchem* qui l’encourage à suivre une carrière d’orientaliste et l’introduit dans le milieu des orientalistes allemands. Auprès de ce mentor, Bahgat acquiert une solide formation d’épigraphiste qui parachève sa formation académique. En 1898, il donne à l’Institut français d’archéologie orientale, une première conférence qui assoit sa réputation (Le contrat de mariage du général Menou). Deux ans plus tard, il est élu membre de l’Institut d’Égypte. Entre 1899 et 1901, il publie dans la revue Mawsuat, des traductions en arabe de ses conférences et d’autres textes (Les pyramides et ce qui est dit à leur sujet : biographies d’explorateurs arabes) qu’il signe parfois sous le pseudonyme d’al-Athari (l’archéologue).

En 1896, Bahgat rejoint une société secrète nationaliste qui réunit les réformistes libéraux de la Nahda dont son ami Lufti al-Sayyid, futur directeur de l’université Égyptienne. En 1900, Bahgat s’insurge publiquement contre le conseiller britannique du Ministère de l’Instruction Dunlop. Sa position devenant intenable au ministère, ses protecteurs, Artin* et le ministre Fakhri pacha (1843-1910), l’intègrent au Comité de conservation des monuments de l’art arabe et essayent de le faire nommer au poste de conservateur du Musée arabe. Max Herz* qui occupe la fonction de directeur du Musée s’y oppose. Bahgat devient alors son assistant (1901) et ne lui succède qu’en 1914.

Tandis que Herz se consacre surtout à l’architecture, Bahgat prend la direction du Musée. Il révise la lecture des objets qu’il publie régulièrement dans les Mémoires de l’Institut français d’archéologie orientale, assure le lien avec les donateurs, les antiquaires et tisse un réseau de bienfaiteurs égyptiens autour du musée. Dès 1887, il traduit en arabe les publications scientifiques et les Bulletins du Comité et le catalogue du Musée arabe (1909). C’est à Bahgat que l’on doit la réinvention ou l’adaptation des termes techniques de l’art islamique en arabe. Son approche de l’art arabe (devenu art musulman) évolue au contact des réseaux orientalistes européens et sa visite décisive à l’exposition des Muhammedanischer Kunst de Munich (1910).

Soutenu par Maspero et Massignon*, influencé par les découvertes de Herzfeld à Samarra (1911-1913), il convainc le gouvernement de lui confier la charge des terrains archéologiques de Fustat. Entre 1912 et 1921, il entreprend les fouilles sans obtenir de financement. Il met en place un système ingénieux d’exploitation des terrains fouillés par des chercheurs de sebakh (engrais naturel) sous la surveillance du musée qui récolte les antiquités. En 1919, un scandale éclate, il est accusé de corruption et d’incompétence. Sa conception de l’archéologie est archaïque, il s’agit pour lui de glaner des antiquités alors que les méthodes développées par ses contemporains privilégient la stratigraphie et la topographie. Obligé de quitter ses fonctions en 1921, Bahgat s’enferme et publie le résultat de ses fouilles (avec Albert Gabriel*, Les ruines d’Al-Foustât, 1921, « Les fouilles d’Al Foustât », Syria*, IV, 1923). Il meurt isolé sans avoir le temps d’achever son dernier ouvrage (avec Massoul, Félix, La céramique musulmane de l’Égypte, 1930). Grand traducteur, épigraphiste de talent, l’histoire n’a pourtant retenu de Bahgat que l’archéologue de Fustat.

Jean-Gabriel Leturcq

Sources : ABD EL-RAZEQ Moustafa, « Ali Bey Bahgat (1858-1924) : sa vie et ses œuvres », Bulletin de l’Institut d’Égypte, VI, 1923, p. 103-113. LETURCQ Jean-Gabriel, « Un musée d’art arabe au Caire (1869-2010), du dépaysement au désenchantement réciproque ? » in F. Pouillon & J.-Cl. Vatin (dir), Après l’orientalisme, L’Orient créé par l’Orient, Paris, Karthala, 2011, p. 489-505.



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