AURIANT Alexandre Hadjivassiliou dit

Cette notice remplace celle qui a figuré dans une précédente édition.

(Alexandrie ?, Égypte, 1895 – Paris, 1990)

Critique littéraire.

Issu d’une famille de Grecs d’Alexandrie, il eut une éducation internationale avant de venir s’installer à Paris, pendant la Première Guerre Mondiale, témoignage de sa francophilie, pour faire une carrière littéraire. Il vit chichement d’une petite rente familiale, et est engagé comme chroniqueur régulier au Mercure de France où il partage longtemps un bureau avec Paul Léautaud. Il va pouvoir choisir de consacrer sa vie à une pratique braconnière de la critique littéraire. Francis Lacassin évoque longuement dans ses Mémoires (Ed. du Rocher, 2010, p. 111-119) ce justicier des lettres qui « partageait son activité entre réhabilitations et démolitions – les secondes étant plus bruyantes que les premières ». Ce misanthrope au « comportement rugueux » habita un appartement Bd Beaumarchais dans lequel « les livres laissaient tout juste la place à un lit et à une table de travail ». À côté de ses publications au Mercure, il a donné des myriades d’interventions aussi érudites que provocantes à des revues éphémères, notamment en Belgique. Quelques-uns de ses ouvrages ont été publiés chez Gallimard et, sur le tard, un certain nombre de ses écrits, plaquettes ou recueils, ont été repris par un éditeur de Reims dont le nom, À l’Écart, dit assez qu’il s’était lui aussi voué à ces marges littéraires.

Auriant associe à une érudition qui se veut impeccable un ton particulièrement vindicatif, et s’attache à dénoncer des supercheries littéraires dont se seraient rendus coupables (ou complices) quelques écrivains consacrés (Lamartine*, Daudet*, Nerval* et plus près de lui André Maurois ou Paul Léautaud), et à réhabiliter des auteurs mal connus (Georges Darien*, Hugues Rebell, Georges Sorel) ou quelques agents talentueux de la vie intellectuelle égyptienne, sur lesquels il conduit des enquêtes fort utiles. Trouvant son nom imprononçable, la femme de lettres Rachilde, épouse du directeur du Mercure l’aurait interpellé par un « Tiens voilà l’Orient ! ». Il en tira son pseudonyme, qui dit assez sa dilection, car il s’est en effet particulièrement attaché à disserter sur ce qui lie le monde littéraire français du XIXe siècle à l’Orient et spécialement à l’Égypte, dont il avait une connaissance directe.

Un de ses premiers dossiers semble avoir été « La véritable histoire du chevalier de Lascaris » dont on n’avait jusque-là que ce « Récit de Fath Allah Sayigh » que Lamartine place en annexe de son Voyage en Orient (La vie extraordinaire de Théodore Lascaris ou l’imposteur malgré lui, Gallimard, 1940). Dans ce registre, on relève encore une polémique réjouissante avec Henry Bordeaux à propos de la monographie sur Lady Stanhope que sa fille, Paule Henry-Bordeaux, venait de publier, et qui n’était pas sans failles. On note aussi une série sur quelques figures de l’Égypte au XIXe siècle (Aventuriers et originaux, Gallimard, 1933). Auriant a réalisé des mises au point irremplaçables sur certains personnages du voyage en Orient, telle la fameuse « Almée de Flaubert », Koutchouk Annem, ou le personnage qui a servi de modèle à Daudet dans Le Nabab (textes publiés en ouvrages au Mercure de France en 1943) - à propos de Daudet, il s’attache encore à démontrer, sans convaincre les spécialistes pour qui cette « collaboration » est connue mais reste limitée, que ses meilleurs textes ne sont pas de sa main mais d’un « nègre », par ailleurs écrivain reconnu, Claude Farrère*. Ses derniers travaux portaient sur Gérard de Nerval. Auriant a laissé le souvenir d’un bibliophile passionné, engagé dans des combats obscurs sur un monde aussi lointain que suranné. Il constitue une figure originale, quasi balzacienne de l’érudit passionné.

François Pouillon



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