(Gaillac, Tarn, 1875 – Montpellier, 1958)
Figure marquante de la présence française en Asie centrale durant les dernières décennies de l’époque tsariste, ce personnage au statut controversé (archéologue amateur, ethnographe, collectionneur, spéléologue, agent de renseignement) a été récemment promu au statut de fondateur d’une école française d’archéologie en Asie centrale, notamment grâce à l’exposition Kazakhstan du Musée Guimet (2010). Bien que les éléments essentiels de sa biographie soient connus, l’image qui subsiste du personnage se détache difficilement du mythe, notamment après le portrait qu’en a dressé Jurij Dombrovskij (1909-1978) dans Le conservateur des antiquités, un roman qui avait été interdit de publication en URSS et qui n’a pu paraître qu’en 1991.
Muni d’une licence de lettres obtenue à Toulouse, il part en 1899 enseigner le français à Pjatigorsk, dans le Caucase, avant de gagner, trois ans plus tard, Orenbourg où il commence à s’intéresser au patrimoine des steppes kirghizes et à en collectionner les antiquités. En 1912 il s’installe à Tachkent où, tout en continuant d’enseigner, il s’adonne à des activités scientifiques dans le cadre du Cercle turkestanais des amateurs d’archéologie. À partir de 1915, il est officiellement chargé d’une mission consulaire, avec la tâche de veiller sur des prisonniers allemands et autrichiens. Classé parmi les individus suspects après la révolution, il accède néanmoins, en 1919, à Samarcande à la vice-présidence de la Commission pour la conservation des monuments historiques. Ce n’est qu’en 1920 qu’il rentre en France, organisant le rapatriement des prisonniers alsaciens-lorrains de la Grande Guerre - ce qui lui vaudra d’être décoré de la Légion d’honneur. Son expérience de la région et sa connaissance du russe et du persan lui permettent alors d’entrer au Service de l’information et de la presse du Quai d’Orsay avec des publications qui portent désormais essentiellement sur l’actualité politique de l’Asie.
Ses publications de la période « centrasiatique » sont consacrées aussi bien à l’archéologie qu’à l’hydrographie, la spéléologie, les légendes populaires ou le chamanisme des peuples turcs. Souvent critiqué par les spécialistes russes et soviétiques, du fait d’un certain amateurisme scientifique, les témoignages qu’il a laissés sont jugés ailleurs précieux pour l’étude des mœurs traditionnelles, auxquelles le nouveau pouvoir a brutalement mis fin, comme pour celle des monuments architecturaux, disparus ou fortement reconstruits, ou celle des sites archéologiques. Ses vastes compilations (notamment une importante synthèse sur « Le culte des lieux saints de l’Islam au Turkestan » dans L’Ethnographie, en 1951) sont marquées par un effort de dresser un bilan du patrimoine, comme en témoigne, entre autres, la carte archéologique du Turkestan qu’il en a rapportée en France en même temps qu’une ample collection d’antiquités.
Svetlana Gorshenina
GORSHENINA Svetlana, « Un précurseur de l’archéologie et de l’ethnologie française en Asie centrale : Joseph-Antoine Castagné », Comptes rendus de l’AIBL, 1997, p. 255-272.