Créé en 1890, le Bulletin du Comité de l’Afrique française (BCAF) donne sa première livraison en janvier 1891 dans le contexte de la « course au Tchad », ultime étape du partage de l’Afrique entre des nations européennes. Réponse privée à la concurrence des ministères concernés par l’outre-mer et à l’absence d’organisme public qui en résulte (le ministère des Colonies n’est créé qu’en mars 1894), le Comité de l’Afrique française se regarde véritablement comme un « comité d’action ». Émanation du Journal des Débats dont il est originellement un supplément et auprès duquel il puise ses idées et ses plumes – en particulier le journaliste Hyppolite Percher dit Harry Alis -, le BCAF s’emploie à créer un « excellent instrument de propagande et de vulgarisation [qui vise à] établir un lien entre tous les Français qui s’intéressent aux entreprises africaines ». Le périodique cherche à promouvoir une politique de prestige essentiellement centrée sur l’Afrique et la Méditerranée. Sur la base d’une réflexion libérale inspirée par Léon Say, il se propose aussi d’utiliser la souscription comme moyen d’accumuler un capital afin de promouvoir des explorations au cœur de l’Afrique. L’analyse des souscripteurs apporte la preuve d’un essoufflement progressif d’un Bulletin qui ne réussit pas à s’enraciner auprès du grand public : au bout d’un an, le Bulletin ne tire qu’à 4 000 exemplaires, tirage faible au regard des ambitions affichées.
Dès lors, on doit considérer le BCAF comme l’organe d’une élite politique, économique et militaire généralement connue sous le nom de « parti colonial ». Les membres actifs du Bulletin sont à l’origine Armand Templier, neveu et successeur de l’éditeur Hachette, le comte Frisch de Fels, chroniqueur mondain des Débats et généreux mécène du BCAF, les plumes Armand Gasnier et Auguste Gauvain, Raymond Koechlin spécialiste des questions étrangères et des questions patrimoniales. Après la mort d’Harry Alis, véritable initiateur du Comité de l’Afrique française (mars 1895), la direction du bulletin est assurée par Henry de la Martinière, spécialiste du Maroc, puis Auguste Terrier, beau-frère d’Harry Alis et factotum d’Eugène Etienne, le « pape des coloniaux ». Le BCAF vit difficilement sur fond de souscription jusqu’en 1908. Après avoir tenté, en 1909, une autre formule (L’Afrique française), il revient à sa forme initiale et se maintient jusqu’en 1939. La Deuxième Guerre mondiale a raison de cet organe de presse n’ayant pas su s’imposer auprès d’une population française qui, comme l’a montré Charles-Robert Ageron, fut en réalité très peu coloniale.
Julie d’Andurain