(Le Caire, 1875 – Aix-en-Provence, 1933)
Peintre.
Fils d’un « Léon Rousseau Pacha », qui avait participé à la construction du canal de Suez, avant de devenir, en 1878, directeur général des travaux publics du Khédive Ismaïl, le jeune Henri quitte néanmoins l’Égypte en 1884, suite à l'occupation anglaise, sa famille partant s’installer à Versailles. Avançant dans ses études, il préfère l’École des Beaux-Arts à l’École Polytechnique, et il rentre, en 1894, dans l’atelier de Gérôme*. En 1900, il met à profit une bourse de voyage pour réaliser, à la suite de Fromentin*, un pèlerinage dans les musées de Belgique et de Hollande. L’année suivante, c’est un périple de six mois qui le conduit en Tunisie puis en Espagne, en passant par l'Algérie, voyage au terme duquel il commence à peindre des toiles orientalistes.
Dès lors, le peintre retourne régulièrement Afrique du Nord : en Tunisie (1902, 1911), en Algérie (1905, 1906 et 1908) et finalement, après la Grande Guerre, au Maroc où il se rend cinq fois entre 1920 et 1932. Il trouve là en particulier une hiérarchie toute seigneuriale et une noblesse des cavaliers arabes qu’il peint dans des scènes énergiques de fantasia ou de chasse aux faucons. Pourtant, quel que soit le sujet, aucun geste excessif ne vient troubler l'harmonie de la construction équilibrée du tableau. Les figures occupent le centre de la toile, laissant le premier plan vide, dans une composition qui magnifie le sujet, lui conférant un caractère intemporel. Dès son premier séjour en Afrique du Nord, la question de la lumière va fasciner Rousseau : comme Fromentin, il désespère de restituer cette blancheur aveuglante qui écrase les volumes et il souhaiterait disposer là d’une peinture phosphorescente. Après d’autres pourtant, tel Baudelaire* analysant le portrait d’Abderrahmane par Delacroix* (Salon de 1845), il observe que la luminosité, loin d'aviver les contrastes de couleurs, les ramène à une tonalité grise. C’est cette dominante qui se retrouve surtout dans ses sujets algériens et tunisiens ; au Maroc, Rousseau fait évoluer sa palette, toujours rehaussée par le blanc d'un burnous ou le rouge vif d'une selle, vers un bronze doré.
En France, le monde rural va également attirer le peintre vers les valeurs de traditions qu'il perpétue. Après la Normandie, c’est la Provence qu'il découvre en 1912. Il y trouve, en regard du cavalier marocain, la figure du gardian de Camargue. Fuyant Paris qu'il exècre, Rousseau va finir en 1919 par s'installer à Aix-en-Provence où, proche de certains félibres, il devient un notable local – il sera vice-président de l'Académie de la ville en 1932. Largement tombés dans l’oubli, les toiles et dessins du peintre sont remis en valeur depuis 1994 par une association Henri Rousseau, organisatrice de plusieurs rétrospectives à Toulouse (1997) ou à Aix (2007) ; à Aix, le musée Granet possède une soixantaine d’œuvres de l’artiste.
Marlène Lespes
ROUSSEAU Alice (dir.), Henri Rousseau. Prix de Rome de peinture, 1875-1933, Toulouse, Privat, 1935.