(Bugeaud, près de Bône, 1885 – Paris, 1961)
Professeur de droit musulman à l’université d’Alger et directeur des Affaires indigènes.
Issu d’une famille d’origine cévenole installée aux environs de Bône, il évolue dans un milieu où l’arabe et le berbère sont des langues usuelles. Après avoir été sans doute élève au collège de Bône, il prépare sa licence de droit à Alger (1905) et poursuit ses études à Paris. Il suit les cours d’Émile Amar* et de Maurice Gaudefroy-Demombynes* à l’ESLO (il est diplômé d’arabe vulgaire et littéral en 1909) et consacre sa thèse de droit à une Étude sur la condition de la femme musulmane au Maghreb (1910) qui lui vaut d’être lauréat du concours des thèses de la faculté de droit. Pensionnaire de la fondation Thiers, il soutient l’année suivante une seconde thèse en sciences politiques et économiques sur L’association agricole chez les musulmans du Maghreb (1911). Après s’être présenté sans succès à l’agrégation des facultés de droit en 1912, il est mobilisé en 1914 comme lieutenant au 3e Zouaves en Algérie. Lyautey fait alors appel à lui au Maroc pour remplir la fonction de commissaire du gouvernement auprès du haut tribunal chérifien et comme adjoint au directeur des affaires civiles. Chargé de cours à l’École Supérieure de Langue Arabe et de Dialectes Berbères (ESLADB) de Rabat, il poursuit ses travaux savants, publiant chez Leroux des Démembrements du habous : menfa’â, gzâ, guelsâ, zînâ, istighrâq (1918) et un monumental Recueil de jurisprudence chérifienne. Tribunal du ministre chérifien de la justice et conseil supérieur d'Ouléma (Medjlès al-Istinâf) (3 vol., 1920-1924). Reçu à l’agrégation de droit en 1920, il devient l’année suivante professeur à la faculté d’Alger - chaire de droit civil, puis de législation algérienne, tunisienne et marocaine -, avant d’accéder en 1933 à la chaire de droit musulman en même temps qu’au décanat après la mort de Marcel Morand. Il conserve cependant une charge de cours à l’École coloniale à Paris. Il ne se désintéresse pas pour autant du Maroc où le Gouvernement Général l’a envoyé début 1921 étudier la nature des terres collectives et les possibilités qu’elles offrent au développement de la colonisation française. Il publie le compte-rendu de cette mission – Les Terres collectives (Blâd Djemâ'â), étude de législation marocaine, Leroux, 1922 – et diverses études dans Hespéris (« Le Qânoûn des M'âtqâ », 1922 ; « Les Nouveaux qânoûn kabyles : Les livrets de réunion des villages de Tassaft-Guezrâ et d'Ighîl-Tiherfîwîn », 1926). Il participe aux célébrations du centenaire de l’Algérie en publiant une brochure sur Le Gouvernement de l'Algérie dans la collection des « Cahiers du centenaire » et, avec Marcel Morand, Frédéric Godin et Maurice Gaffiot, une synthèse sur les Institutions de l'Algérie. L'œuvre législative de la France en Algérie (Alcan, 1930). C’est aussi à partir de 1930 qu’il dirige avec Georges Rectenwald la refonte du Répertoire Tilloy. Répertoire alphabétique de jurisprudence, de doctrine et de législation algérienne, tunisienne et musulmane. Il collabore à la Revue des Etudes Islamiques pour laquelle il donne une synthèse sur « Les institutions kabyles » (1932) et, avec Augustin Bernard, une étude sur « Les qanouns kabyles dans l’ouvrage de Hanoteau-Letourneux » (1933). En 1934, il succède à Mirante* à la direction des affaires indigènes et des territoires du sud jusqu’à la réorganisation des services en 1940. Nommé en 1945 à une chaire de droit musulman fondée à la faculté de droit de Paris, il organise en 1951 une semaine internationale de droit musulman. Il continue par ailleurs à enseigner à l’École coloniale devenue École nationale de la France d’outre-mer en même temps qu’au CHEAM* et à la nouvelle École nationale d’administration. Collaborateur régulier de la Revue trimestrielle de droit civil, il publie pour le Recueil Sirey une analyse du Statut organique de l’Algérie (1948) et une Introduction à l’étude du droit musulman (1953) qui reste encore aujourd’hui en usage (2e éd. révisée par François-Paul Blanc, 1987, réimpr. 2001). Il dirige par ailleurs le Juris-classeur algérien, recueil de textes de droit privé et de droit public (Éditions techniques, 1955, 2 vol.) que l’indépendance de l’Algérie rendra rapidement désuet. En 1958, il est appelé à présider l’académie internationale de droit comparé fondée à La Haye en 1924. Son analyse du Statut organique de l’Algérie (1948) et sa mise en garde contre les dangers des unions « mixtes » (avec Hélène Arthur, Rêves et réalités : des mariages mixtes entre Chrétiennes et Musulmans, Fédération internationale des amies de la jeune fille, branche française, Genève, 1954) laissent cependant supposer qu’il envisage difficilement la décolonisation.
Laure Blévis
La carrière et les travaux scientifiques de M. Louis Milliot, Choisy-le-Roi, Impr. de France, s. d. [1958]. CASSIN René, Hommage à Louis Milliot, Choisy-le-Roi, Impr. de France, 1962. Hommes et destins, t. VII, p. 350-353 (notice par René Vittoz). Icono : portrait par Mohammed Racim (reproduit dans Introduction à l’étude du droit musulman, 1953).