RHAÏS Elissa (Rosine Boumendil dite -)

(Blida, 1876 – Blida, 1940)

Ecrivaine d’Algérie.

Issue d’un couple juif très modeste – son père est boulanger –, son éducation ne lui laissait guère espérer une carrière littéraire. Or, Rosine Boumendil allait devenir dans les années 1920, la première écrivaine algérienne à se voir publiée et reconnue en France. Mariée jeune à un rabbin à qui elle donna trois enfants - un seul survivra - elle divorce en 1911 et commence à fréquenter à Alger les milieux littéraires. Dans la villa de son second mari, un commerçant aisé, elle réunit un brillant aréopage et elle obtient le soutien de personnages influents, tel Louis Bertrand*, qui lui ouvre les portes de la Revue des deux Mondes et des Editions Plon.

Présentée comme « musulmane », elle commence à publier à Paris, où elle s’installe en compagnie de ses enfants et de son secrétaire, Robert Tabet, un neveu de son mari, qui deviendra, dit-on, son amant. Entre 1919 et 1931, elle publie de la sorte une douzaine de romans et de recueils de nouvelles, qui sont accueillis favorablement par le public métropolitain. Mais au début des années trente, sa santé se dégrade et sa créativité se tarit : retournée à Blida, sa ville natale, elle tombe dans l’oubli avant de connaître une fin mystérieuse - son fils prétendra qu’elle a été assassinée.

Après la publication d’une nouvelle « Le café chantant » dans la Revue des Deux Mondes, c’est la sortie de son premier roman Saâda la Marocaine (Plon, 1919), où l’on trouve réunis une bonne partie des ingrédients qui structureront la plupart des titres ultérieurs : une jeune héroïne en butte à la misère et à l’adversité. Suit rapidement Les Juifs ou la fille d’Eleazar, premier roman à thème juif, peinture originale et fidèle de la société juive algéroise du début du siècle, dans sa diversité. Les titres s’enchainent ensuite à un rythme serré, que la presse accueille assez favorablement. Elissa Rhaïs tient même quelques temps salon à Paris, boulevard Saint-Jacques.

Tombée dans l’oubli avec toute la littérature « coloniale » qu’elle avait brillamment illustrée, elle ne ressort de l’ombre que sous le procès posthume que lui fait Paul Tabet (Elissa Rhaïs, Grasset 1982), l’accusant de n’avoir été que le prête-nom de son père, auteur véritable des Romans. D’excellents connaisseurs de cette littérature algérienne d’expression française, comme Jean Déjeux* ou Guy Dugas s’inscrivent en faux contre cette thèse. Elissa Rhaïs, qui reste souvent classée dans la rubrique des supercheries littéraires, n’est pas encore véritablement réhabilitée et l’image de cette écrivaine est donc encore brouillée. Mais une bonne partie de ses romans a été désormais rééditée, par les soins de Paul Tabet d’une part, mais aussi par nous-même (Le Café chantant, La Fille des Pachas, Saâda la Marocaine, Djelloul de Fès, aux éd. Bouchène), de quoi restaurer une image conforme à la femme très originale et créatrice qu’elle fut en son temps.

Joseph Boumendil

BOUMENDIL Joseph, Elissa ou le mystère d’une écriture, Séguier, 2009. DÉJEUX Jean, « Elissa Rhaïs, conteuse algérienne (1876-1940) » in Le Maghreb dans l’imaginaire français, Aix-en-Provence, Édisud, 1985. DUGAS Guy, La littérature judéo-maghrébine d’expression française. Entre Djéha et Cagayous, L’Harmattan, 1990.



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