JOMIER Jacques

(Paris, 1914 – Villefranche du Lauragais, 2008)

Islamologue et théologien.

Admis à l’Ecole Polytechnique après de solides études secondaires, il décide de rejoindre les Dominicains en 1932. Après sa formation spirituelle, philosophique et théologique, il est ordonné prêtre en juillet 1939, tout juste avant d’être mobilisé (septembre 1939-juin 1940, pour la campagne de Norvège). Étudiant l’arabe et l’islamologie à l’Ecole des Langues Orientales de Paris, Régis Blachère* l’encourage à se spécialiser dans l’étude des commentaires du Coran. Il rejoint Le Caire en 1945 pour fonder, avec les Pères Anawati* et de Beaurecueil, l’Institut Dominicain d’Etudes Orientales (IDEO). Il soutient, en Sorbonne en 1953, une thèse sur Le commentaire coranique du Manâr (Tendances modernes de l’exégèse coranique en Egypte), avec une importante thèse complémentaire sur Le Mahmal et la caravane égyptienne des pèlerins de La Mecque (XIIIe-XXe siècles). Dans le cadre de la revue Mélanges de l’IDEO, il poursuit ses recherches d’exégèse coranique, tout en s’attachant à faire connaître la vie culturelle de l’Egypte contemporaine - il y analyse notamment les romans de Naguib Mahfûz. Son attention à la langue du petit peuple du Caire l’amène à publier un très utile Manuel d’arabe dialectal égyptien (1964), auquel il ajoutera un Lexique pratique français-arabe (Parler du Caire) (1976, 1990). Ses enseignements universitaires à Kinshasa (Zaïre) et ailleurs, l’encouragent à rédiger L’Islam aux multiples aspects (1982), qui deviendra par la suite Pour connaître l’Islam (1988), où il sut utiliser le meilleur de son étude Le Jeune Musulman et la religion d’après les manuels scolaires d’instruction religieuse musulmane (1972). Soucieux de comparatisme et de dialogue spirituel, il publie Bible et Coran (1959), ainsi que Le Coran, textes choisis en rapport avec la Bible (1984). Tout cela lui vaut d’être au Vatican un conseiller écouté du Secrétariat pour les non-chrétiens avec lequel il collabore dans un esprit de dialogue positif qu’illustre son Jésus, la vie du Messie. La ville du Caire n’avait pas de secrets pour lui et il prenait plaisir à la faire découvrir à ses hôtes et amis - on lui doit les articles sur « Le Caire » et « al-Azhar » de l’Encyclopédie de l’Islam*. Il ne quitta l’Egypte qu’en 1981 pour une retraite studieuse au couvent dominicain de Toulouse. Il y rassemble nombre de ses articles sous le titre L’Islam vécu en Égypte (1945-1975) où brille son talent d’observateur. Son dernier travail devait être une œuvre de synthèse, Dieu et l’homme dans le Coran, l’aspect religieux de la nature humaine joint à l’obéissance au Prophète de l’Islam (1996). Témoin d’une théologie sûre, fondée en philosophie et en exégèse et enrichie d’une profonde spiritualité, le père Jomier avait le souci constant d’une extrême cohérence chrétienne en même temps que celui d’une information scientifiquement élaborée à partir des expressions les plus représentatives de l’islam classique et moderne. D’où son regard lucide et objectif sur les réalités socio-politiques de l’Islam moderne et sur les ambiguïtés théologiques d’un certain dialogue islamo-chrétien.

Maurice Borrmans

Maurice Borrmans, « In memoriam Jacques Jomier », Islamochristiana, 35 (2009). Marie-Thérèse Urvoy (dir.), En hommage au père Jacques Jomier, o.p., Cerf, 2002.



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