(Outarville, Loiret, 1840 - Paris, 1916)
Arabisant, éditeur des grands textes arabes sur l’Afrique noire.
Houdas accompagne enfant ses parents en Algérie : bachelier, surnuméraire à la préfecture puis professeur de français au collège impérial arabe-français d’Alger, il y obtient la chaire d’arabe (1863), avant de conquérir devant le jeune Machuel* celle du lycée (1867) puis la chaire supérieure d’Oran (1869), enfin celle d’Alger (1877). Il publie alors des textes à usage scolaire (Histoire de Djouder le pêcheur, 1865 ; cours élémentaire de langue arabe, 1875) largement diffusés et longtemps en usage. Successeur de Cherbonneau* à l’inspection de l’enseignement de l’arabe en Algérie et Tunisie, il impose l’usage de la langue classique dans les médersas, suscitant les critiques de Desparmet*. À la fondation de l’École des Lettres d’Alger, il dirige son éphémère Section orientale (1880) : simple bachelier, il est contesté par des professeurs plus diplômés, et ne reçoit pas le soutien du directeur, Masqueray*, qui refuse de lui laisser prendre son autonomie. En 1881-1882, il accompagne R. Basset* en Tunisie pour une mission de recherches épigraphiques et bibliographiques. En 1884, il succède à Cherbonneau à la chaire d’arabe vulgaire de l’École des Langues orientales, pour laquelle il compose une Chrestomathie maghrébine (1891), destinée à remplacer celle de Caussin*. Suite à son Ethnographie de l’Algérie qui fait une place aux “Algériens”, nouvelle race latine, qui vient s’ajouter aux Berbères, aux Arabes et aux Juifs, tous aptes à la civilisation par l’éducation (l’ouvrage daté de 1886 s’inscrit dans une collection dirigée par Léon de Rosny), il publie à Alger puis à Paris de nombreux textes - trop rapidement selon certains.
À côté du traité de droit musulman d’Ibn Acem et du recueil des hadiths de Bukharî (en collaboration avec son élève W. Marçais*), il édite et traduit des textes arabes relatifs à l’histoire du Maroc et surtout du Soudan, dont la conquête s’accompagne de la mise à disposition de nouveaux manuscrits par les militaires puis les administrateurs. Le général Archinard, après avoir pénétré dans Segu (Mali), la capitale du fils et successeur d’al-Hâj ‘Umar, lui transmet le manuscrit du Târîkh al-Sudân d’‘Abderrahmân es-Sa‘dî (1898-1900, rééd. 1981 et retraduit par Hunwick, 1999), puis Gaden* lui confie la publication et la traduction du Tadhkirat al-Nisyân, recopié sous les ordres de Gouraud après la prise de Samori (1913-1914). Il traduit aussi le fameux Târîkh al-Fattâsh de Mahmûd Ka‘ti (1913-1914), texte à la recherche duquel le gouverneur du Haut-Sénégal-Niger, Clozel* avait envoyé Bonnel de Mézières, travail qu’il achève en collaboration avec Maurice Delafosse*, ce dernier ayant épousé sa fille Alice.
En 1908, alors qu’il enseigne à l’École des Sciences politiques, il expose dans un vade-mecum destinés aux agents français de la colonisation et au public cultivé ses vues matérialistes et évolutionnistes sur L’Islamisme : du fait de la rapidité de l’évolution de la civilisation arabe, la ferveur religieuse, restée trop forte, a étouffé la science, mais l’islam se réformera suite aux progrès économiques, avec comme potentiel agent d’accélération les Européens convertis comme il s’en trouve à Liverpool et aux États-Unis. Il y aura donc crise – peut-être sur le modèle de la réforme protestante – la religion étant destinée à subsister comme repos de l’esprit. Héritier de la tradition de l’Orientalisme philologique qu’il est le premier à appliquer aux textes historiques de l’islam africain, il prépare la production d’une ethnographie ouverte à la sociologie durkheimienne.
Alain Messaoudi et Jean Schmitz
I.O., Hommes et destins, t. I ; John Hunwick, Timbuktu & the Songhay Empire. Al-Saa’i’s Ta’rikh al-Sudan down to 1613 and other Contemporary Documents, Leiden-Boston-Kôln, Brill, 1999. KAMARA Shaykh Muusa, Florilège au jardin de l'histoire des Noirs, Zuhur al Basatin. Tome 1, Paris, CNRS-Éditions, 1998 (introduction par Jean Schmitz).