BERTRANDON de la Broquière

(Fin XIVe, Guyenne – 1459, Lille ?)

Premier écuyer tranchant à la cour de Bourgogne, il part de Gand en février 1432 pour une mission de reconnaissance militaire en Terre Sainte dix ans après celle confiée en 1421 par Philippe le Bon à Guillebert de Lannoy. Le voyage passe par un pèlerinage à Jérusalem mais, contrairement aux pèlerins français de son temps, il décide de rentrer par la voie terrestre. Il convainc le chef d’une caravane turque de l’emmener avec lui vêtu à l’orientale sous protection, pour la somme de trente ducats. Après la remontée depuis Damas vers Konya, il se joint à une ambassade pour rencontrer le souverain du Karaman puis arrive à Constantinople, où il accompagne l’ambassade du duc de Milan pour une audience fastueuse accordée par le Sultan Murad II (Andrinople, février 1433). A son retour en juillet 1433, Bertrandon remet un exemplaire du Coran au duc de Bourgogne qui  lui demande une version écrite du voyage en 1455.

Ce « Voyage d’Outremer » (in SCHEFER C., éd., Recueil de voyages et de documents pour servir à l’histoire de la géographie depuis le xiiie siècle jusqu’à la fin du xvie siècle, T. 12, Paris, 1892) s’inscrit dans un contexte où la Bourgogne défend encore l’idée de croisade. Mais c’est aujourd’hui l’expérience très personnelle de Bertrandon de l’altérité qui retient l’attention. Chevalier de haut rang, il se laisse éblouir par la magnificence orientale mais analyse avec pertinence les qualités d’organisation militaire des Turcs. Sans doute ses appréciations s’appuient-elles sur des valeurs chevaleresques occidentales, mais, parmi les « pèlerin » de langue française du XVe siècle, c’est celui qui donne le plus d’informations sur les coutumes locales, la description de l’habitat nomade, les usages alimentaires. Il s’abstient de critiques fondées sur la seule différence de religion et, malgré les stéréotypes, évite les injures habituelles les plus grossières contre les Arabes. Il se lie même d’amitié avec un esclave mameluk dont il loue le dévouement et le désintéressement lors de son long parcours avec la caravane turque : cet esclave lui sauva la vie en parvenant à convaincre deux assaillants que « Dieu faisait les chrétiens comme les Sarrazins ».  

Michel Mégnin

TYL-LABORY G., Bertrandon de la Broquière, in ZINK et HASENHOR, Dictionnaire des lettres françaises - Le Moyen Âge, 1992, p. 170–171.



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